Elle était fermée comme une huître. Je la sentais si fragile, si vulnérable. Elle venait d’Ubon. C’était la fille aînée de la famille et la charge de subvenir aux besoins des siens lui revenait. Elle avait dix neuf ans.

Ses parents faisaient les marchés. Parfois ils devaient emprunter de l’argent aux placiers qui prenaient des intérêts prohibitifs. Pour un prêt de 2 000 Bahts remboursable vingt quatre jours plus tard, ils devaient payer 100 Bahts par jour, ce qui représente un taux d’intérêt de 20% !

C’était retarder pour mieux sauter, mais les Thaïs ne voyant souvent pas plus loin que le bout de leur petit nez acceptaient ces conditions scandaleuses avec joie.

lady bar toute la vérité
Souvent tellement attendrissantes et touchantes que nous avons dû nous consulter pour faire un tri dans les histoires qu’elles nous racontaient. Christian Eymaël et Pierre Richard Hardy | Éditions Bamboo Sinfonia | En vente sur http://thailande-fr.biz

Un jour, ce qui devait arriver arriva. C’était le dernier vendredi du mois. Oy et ses parents commençaient à remballer quand les prêteurs sont arrivés.

Le père les a salués avec déférence et soumission, mais les gars voulaient leur argent.

Il a eu beau faire des courbettes, leur expliquer que la semaine avait été dure, leur demander un délai supplémentaire, les prêteurs n’ont rien voulu savoir. Oy assistait impuissante à cette scène. La situation s’envenimait.

Un des usuriers a commencé à molester le père. La mère s’est interposée. Oy regardait incrédule ses parents discuter avec les prêteurs.

Elle ne comprenait pas pourquoi tous les regards convergeaient vers elle. Les prêteurs étaient trois, tous la regardaient avec attention.

Elle se rappelle avoir eu très peur quand sa mère l’a prise par le bras et l’a entraînée près des voyous. Les gars l’ont palpée comme on touche une volaille pour vérifier s’il y a ce qu’il faut où il faut. Elle s’est débattue, son père l’a giflée violemment. Sa mère dit aux types ;

– C’est de sa faute si on a pas bien travaillé ! Elle est paresseuse comme un serpent !

Oy s’est retrouvée dans un pick-up, les mains attachées derrière le dos. Les types riaient sottement. Elle était terrorisée car elle ignorait où elle allait, et choquée car elle ne comprenait pas pourquoi ses parents l’avaient abandonnée.

Il faisait nuit quand le pick-up s’est arrêté devant un bâtiment isolé au milieu des champs. Oy était épuisée, elle était au travail depuis trois heures du matin et c’est elle qui installait et démontait l’étalage. Seule la peur la tenait éveillée…

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